COVID-19, MALADIES CARDIOVASCULAIRES : PRÉVENIR ET GUÉRIR
Professeur Jacques Machecourt, président honoraire, Fédération Française de Cardiologie des Alpes
A une période où, vagues après vagues, le coronavirus s’attaque à notre intégrité physique, à notre santé mentale et à l’économie du pays, un formidable espoir est né avec la vaccination. Les mesures barrières certes sont des mesures de prévention efficaces contre le virus, mais chaque jour on se rend compte que Homo Sapiens, animal social par excellence, a bien des difficultés, à long terme, pour supporter de telles contraintes, masques, distanciation, confinements.
« Mieux vaut prévenir que guérir » est la traduction littérale du titre de l’éditorial du New England Journal of Medecine* le journal scientifique de référence, le 10 Décembre 2020, date de publication des résultats de l’étude évaluant le vaccin mis au point par les laboratoires Pfizer et Bio NTec2**
Un petit point sur les techniques de vaccination contre le COVID, à destination de ceux qui ont des interrogations légitimes. Pour se développer et survivre un virus doit entrer dans les cellules du malade. Le covid-19 infecte en priorité les cellules des voies respiratoires (dont poumons et cellules de l’odorat) et de la paroi des vaisseaux, en traversant la paroi de la cellule à partir d’une protéine située sur sa couronne de spicules (corona = couronne), la protéine Spike (S). Le but du vaccin est de déclencher une réponse protectrice par notre système immunitaire, pour neutraliser cette protéine « Spike », véritable « clé d’entrée » du virus dans la cellule : ce sont les anticorps anti protéine S ; pour fabriquer ces anticorps l’organisme doit avoir été mis en contact par le vaccin avec cette protéine S. Différentes techniques de fabrication du vaccin ont été élaborées :
Les deux vaccins chinois injectent le virus covid- 19 (et donc sa protéine S), après l’avoir préalablement atténué ou inactivé (technique donc dérivée de celle mise au point par Pasteur contre la rage). Mais les techniques modernes de vaccination contre le COVID consistent non pas à injecter le virus contenant sa protéine S, mais à faire fabriquer cette protéine par notre organisme ; en effet dès le printemps 2020, grâce aux progrès de ces dernières années dans les techniques de séquençage, les chercheurs ont découvert la séquence ARNm permettant au coronavirus de produire sa protéine S (chez tous les êtres vivants chaque ARNm est une suite unique de nucléotides donnant instruction à la cellule pour fabriquer une protéine spécifique). En synthétisant en laboratoire cette ARNm, puis en l’injectant grâce au vaccin, notre organisme va fabriquer cette protéine S du virus, entrainant la production des anticorps ; ceux-ci neutraliseront le virus en cas de contamination ultérieure ; c’est la technique des vaccins Pfizer ou Moderna.
A noter que cet ARNm du virus n’a strictement aucune possibilité de rentrer dans notre génome et va se dégrader rapidement après avoir fabriqué sa protéine. Sur un principe assez proche le potentiel futur vaccin Astra Zeneca et l’actuel vaccin russe Spoutnik-V injectent un virus inoffensif (qui n’est pas le coronavirus) mais qui a été modifié pour contenir le gène de fabrication de la protéine S… protéine qui sera alors synthétisée comme pour les vaccins à ARNm. Ces mises au point extraordinairement rapides des vaccins modernes doivent beaucoup aux techniques déjà utilisées ces toutes dernières années pour le traitement de certaines myopathies, mais aussi pour le traitement par immunothérapie de certains cancers.
Quelque soit la méthode de fabrication du vaccin, ce qui importe c’est que l’efficacité et la sécurité soient démontrées par tout un processus d’évaluation, couronné par une étude clinique de qualité, dite de phase 3. Toutes les données doivent être scrupuleusement analysées par le comité d’experts d’une revue scientifique de haute qualité, et par les autorités de santé (l’Agence Européenne du Médicament EMA, puis la Haute Autorité de Santé HAS en France).
A ce jour on peut certifier l’efficacité et la sécurité des deux vaccins déjà disponibles :
- Efficacité : Ce n’est qu’à partir d’études de gros effectif, incluant deux groupes strictement comparables de sujets (grâce au tirage au sort), l’un vacciné, l’autre recevant une injection d’eau salée (groupe placébo), que l’on peut juger de l’efficacité clinique. Ainsi pour l’étude Pfizer ayant inclus plus de 43 000 volontaires, parmi les 181 personnes ayant attrapé le COVID dans les quelques mois suivant la vaccination complète, seulement 9 l’ont été dans le groupe vacciné (1 seule forme sévère), contre 171 dans le groupe placébo (9 formes sévères, voir figure issue de la publication). A noter que 42% des sujets de cette étude sont âgés de plus de 55 ans. De même, dans l’étude réalisée avec le vaccin Moderna, 19 cas de maladies sur 20 sont aussi évitées, ainsi que les formes graves.
- Sécurité : les quelques 12 Millions de personne déjà vaccinées (pharmacovigilance), dont la reine d’Angleterre, confirment les données de l’étude : quelques réactions locales, de rarissimes réactions générales dans le quart d’heure suivant l’injection (une seule sans conséquence rapportée en France après les 150 000 premières vaccinations).
On peut espérer que d’autres vaccins vont suivre, évalués selon la même méthodologie, à la fois en termes de taux d’efficacité et d’effets indésirables. On se vaccine pour soi-même et pour protéger ses proches ; or le risque de formes graves de COVID est strictement dépendant de l’âge et de la présence de comorbidités ; ces facteurs de risque sont les mêmes que pour les maladies cardiovasculaires : obésité, diabète, hypertension artérielle, insuffisance rénale, maladies cardio pulmonaires. La figure ci-dessous montre bien l’augmentation exponentielle de ce risque après 65 ans.
Alors faites comme moi : dès que vous en avez la possibilité, en fonction de votre âge et des maladies associées, faites-vous vacciner, vous et vos proches, car c’est le virus qui tue, pas le vaccin ! Lorsqu’il ne tue pas il laisse chez certains un handicap durable. La propagation du « variant anglais », encore plus contagieux mais restant sensible au vaccin, est un argument supplémentaire pour se faire vacciner et pour respecter les gestes barrière. A ce jour les personnes de plus de 75 ans peuvent s’inscrire, de même que, sur ordonnance médicale, celles souffrant de maladie grave ; c’est le cas de certains de nos adhérents ; je leur suggère d’en discuter avec leur médecin ou cardiologue traitant ou le cardiologue responsable de leur club Cœur et Santé. Ensuite nous pourrons, tous ensemble, en confiance, reprendre nos activités de phase 3 et nos missions de prévention des maladies cardiovasculaires.
Faites-vous vacciner dès que possible !
Annexe :
Efficacité du vaccin sur la survenue de cas de COVID-19. En rouge les patients vaccinés, en bleu le groupe ayant reçu le placébo. A noter que les courbes divergent 12 jours après la première injection, temps d’apparition des anticorps.